Paris, 11 avril 2012, rue du Louvre
C'est le printemps à Paris, comme ailleurs me direz-vous mais je fréquente assidument notre capitale, c'est donc mon site d'observation.
Grandes banalités de saison, les marroniers sont en fleurs, le pollen couvre les voitures d'une fine pellicule jaune, les jardiniers s'affairent à transformer le moindre centimètre de verdure en adorables jardins multicolores. Tout pour donner du bleu au coeur et de la lumière dans les yeux, la renaissance est inévitablement présente et le parisien arpente le pavé d'un pas plus léger malgré le froid.
Mais la décoration florale urbaine n'est pas pour les parisiens, il faut rendre Paris jolie car le touriste est là !
Des centaines de cars de luxe, palaces roulants climatisés et rutilants, déversent sur les trottoirs, aux lieux les plus stratégiques, des centaines, des milliers de touristes, par groupe de 50 à 60 (oui j'ai compté) !
Assise sur un banc, la vue de l'arrêt des bus internationaux m'est coupée par une palissade de panneaux électoraux encore presque tous vierges.
Un premier groupe descend d'un bus, je n'en vois QUE LES PIEDS....
Les pieds parlent fort, en anglais, en roulant les R façon patate chaude dans la bouche. Je devine des américains !
La basket tendance est de sortie, ces messieurs la portent sombre et sobre en bas de jeans, ces dames la portant vernie, à lacets, avec, autant faire ce peut, quelques paillettes ou languettes dorées ! Mais elles sont toutes propres ces baskets qui défilent, de belle qualité et bien confortables.
Quelques sacs à dos se posent près de ces chaussures sportives, en sortent des appareils photos, des bouteilles d'eau et de nombreux paquets de gâteaux !
La petite troupe part ensuite, d'une démarque énergique mais peu organisée.
Un second car laisse place au premier. Une magnifique paire de sandales épaisses saute fermement au sol, d'un brun caramel, en beau cuir épais, mais surtout, elles sont garnies d'une toute aussi belle paire de chaussettes, d'un joli blanc sur mollets poilus !!
Les sandales en tout genre se succèdent, souvent les fameuses Birkenstock, mais jamais revêtus d'un bas de pantalon.
Quelques mots échangés arrivent à mon oreille, des germaniques ! Les sandales se rangent immédiatement par paires, masculines ou féminines, elles quittent le marchepied du car d'un pas large et tonique à une allure que j'aurais du mal à suivre. La foulée est grande et efficace !
A peine le temps de lire deux pages du "20 minutes" du jour (journal quotidien gratuit pour les non-parisiens) qu'un troisième bus arrive, fenêtre ouverte et musique méditarréenne l'enveloppant.
Des familles en descendent, des petits pieds, des grands, des rouges, des bleus, des baskets, des ballerines et des espadrilles !
Ca parle haut et fort derrière mon panneau électoral et bien que ne connaissant pas un mot de cette langue (enfin si, un seul), je comprends que nos nouveaux invités sont hispaniques.
Un joyeux bordel organisé se pose sur le trottoir, les sacs se partagent le bitume avec les chaussures, un groupe de pompes dense et bavard qui prend tout son temps pour commencer sa villégiature. Quand à deviner leur nationalité rien qu'à leurs chaussures, et bien non, rien de particulier à signaler, à part peut être quelques enfants portant fièrement les couleurs du Real de Madrid à leurs pieds.
Leur chauffeur se fait klaxonner par un enième bus à l'approche de la zone de dépôt autorisé.
Rien ne descend du nouveau bus, pourtant j'ai bien entendu le bruit de la porte s'ouvrir !
Je me dresse de mon banc par curiosité. Certains voyageurs sont debouts à l'intérieur, mais une majorité reste sagement assise, s'afférant, le nez dans leur sac.
Enfin, nos premiers nouveaux amis descendent...
Tout d'abord, des pieds masculins apparaissent, chaussures de ville sages ou baskets sombres, pantalons de ville. Les pieds s'alignent le long du trottoir et se serrent pour pouvoir accueillir de nouveaux pieds sages qui viennent allonger une belle queue-leu-leu très disciplinée de chaussures propres.
Quelques petits pieds féminins viennent rejoindre cette file quasi militaire. Peu de voix, pas de bruits... la file avance alors doucement pour apparaître entière dans mon champs de vision. Nos amis asiatiques sont là !!! Appareil photo au poing, ils prennent déjà en photo... leur bus qui s'éloigne.
C'est l'heure. Je quitte mon poste d'observation pour me rendre avenue des Champs-Elysées ou j'ai rendez-vous avec mon comptable pour parler finances.
Un taxi me dépose "en haut des Champs" (soit côté Arc de Triomphe). J'ai la tête encore pleine de rires de ma séance "banc public" de la rue du Louvre. Voilà que je ne peux plus m'empêcher de regarder les pieds des gens et je découvre alors de nouveaux spécimens de touristes chaussés encore différement.
Cinq jeunes baroudeurs pas très frais cassent la croute sur un banc bordant la plus belle avenue de Paris. Le touriste free-lance ! D'énormes sacs à dos sont appuyés contre leurs jambes chaussées d'énormes chaussures de randonnée, à gros crampons, grosse semelle, gros lacets ; il faut dire que Paris est escarpée !
Un des jeunes a d'ailleurs enlevé les siennes
et un autre les jette deux mètres plus loin en
riant dans une langue que je ne comprends pas,
mais j'ai tout compris et vous aussi
Tout sourire, je reprends ma route pour me retrouver derrière deux paires d'escarpins vertigineux avançant à pas de fourmis.
Deux jolies précieuses à longs cheveux noirs avancent en pointillés, montées sur des talons aiguilles d'au moins 12 centimètres !
Une paire de stilettos portent le double G de Guccio Gucci, l'autre est revêtue de la fameuse semelle rouge du chausseur français préféré des stars, Christian Louboutin.
Ces starlettes sur échasses portent à chaque bras des sacs de shopping des maisons de luxe bordant les Champs Elysées, Chanel, Vuitton, Hermès, le touriste asiatique riche est bien là !
Fatiguée de piétiner derrière ces dames, je me pose quelques instants sur un banc et regarde mes bottes plates noires, basiques et confortables, en me demandant bien ce que je vais emporter comme chaussures pour partir samedi faire la touriste à l'étranger
Question subsidiaire : quel est le seul mot en espagnol que je connais ?